L’écoféminisme, une écologie pour les femmes ?
On entend de plus en plus parler d’écoféminisme sur les réseaux sociaux, et dans le cadre des récentes campagnes politiques. La génération engagée utilise souvent ce terme, qui peut paraître obscur. Est-ce un dérivé de mouvement féministe ? Ou une branche de l’écologie ? C’est en réalité bien plus complexe que ça. Avez-vous déjà fait le parallèle entre l’oppression des femmes et celle de la planète ? L’écoféminisme, oui. Faisons ensemble le tour de ce courant de pensée pour en cerner les tenants et les aboutissants.
Sommaire
L’écoféminisme, c’est quoi ?
L’écoféminisme, ce n’est pas un féminisme écologique, ni même une écologie féministe. Il est donc possible d’être écologiste et féministe, sans pour autant être écoféministe.
C’est un courant de pensée bien plus complexe, une approche interdisciplinaire. Il met en lien la domination des hommes sur les femmes et celle des humains sur la nature. Pour faire (très) court, le capitalisme et le patriarcat seraient à l’origine des différentes oppressions à l’œuvre dans notre société.
Ce mouvement ne propose aucune idéologie politique propre, mais une façon globale d’appréhender et de lutter contre les inégalités. Depuis quelques années, le combat de l’écoféminisme s’est étendu en intégrant la notion de justice sociale. Notamment les inégalités nord-sud et l’exploitation des travailleurs des pays pauvres par les pays développés.
Prise de conscience écologique et droits des femmes : quel rapport ?
Si l’écoféminisme est remis en avant dans les débats politiques, c’est bien parce que les femmes sont plus exposées au changement climatique.
Tout d’abord, et d’après l’ONU, les femmes ont 14 fois plus de risque que les hommes de périr à cause d’une catastrophe naturelle. Et pour cause : elles représentent plus des 2/3 des personnes vivant sous le seuil de pauvreté et sont plus nombreuses à vivre dans des régions exposées aux risques climatiques. Prenons l’exemple du tsunami de 2004 : 200 000 morts recensés. 80 % de femmes en Indonésie, 73 % en Inde. On voit bien l’intérêt de lutter contre les inégalités sous toutes leurs formes.
Enfin, la pression sociale pèse lourd sur les femmes quant à la préservation de l’environnement à l’échelle des foyers. Des études ont démontré (s’il en était besoin) que les femmes sont plus exposées que les hommes aux messages d’incitations aux gestes écologiques (tri, consommation écoresponsable, démarche zéro déchet, etc.) Ainsi, la prise de conscience écologique s’ajoute à la charge mentale des femmes. Ça tombe bien, on aurait failli s’ennuyer…
Histoire d’un courant de pensée
Mais ce concept, il vient d’où ? Est-ce une récente invention d’un mouvement féministe extrémiste ? Une corde de plus à l’arc de campagne des écolos ?
Françoise d’Eaubonne, pionnière de l’écoféminisme en France
Nous sommes en 1974, et Françoise d’Eaubonne utilise ce terme pour la première fois. (Pour le phénomène de mode, on repassera…) C’est une femme aux multiples casquettes (philosophe, romancière, essayiste, biographe) qui a participé à la fondation du mouvement féministe MLF à la fin des années 60, où elle animera le groupe Écologie et féminisme. Femme engagée, elle a passé sa vie à lutter contre inégalités.
Elle part du postulat que « les hommes — le patriarcat — ont fait à la fois main basse sur le ventre des femmes et sur les ressources naturelles ». Elle met ainsi sur le même plan la surexploitation des ressources et l’oppression des femmes par la surfécondation. Elle n’imagine pas le terme d’écoféminisme comme une prise de pouvoir par les femmes, mais comme « la gestion égalitaire d’un monde à renaître ».
L’écoféminisme livre bataille partout dans le monde
En France, ce courant de pensée n’a pas dans un premier temps déchaîné les foules. Dans le monde en revanche, de nombreuses actions ont eu lieu à la même époque et se sont a posteriori revendiquées écoféministes. Greenham Common par exemple : en Angleterre, des femmes ont occupé une base militaire pendant 19 ans (de septembre 1981 à 2000) pour lutter de façon pacifique contre la politique nucléaire de leur pays. En Inde, le mouvement Chipko a été lancé par des femmes qui entouraient de leur corps des arbres voués à l’abattage. Aux États-Unis, le groupe féministe Women for Life on Earth milite pour l’égalité des droits et contre les armes nucléaires, et 2000 femmes ont notamment encerclé le Pentagone en 1980.
Prise de conscience écologie et mouvement féministe main dans la main
Si la quarantaine est dite l’âge d’or des femmes, il en est de même pour le concept d’écoféminisme. Notamment avec l’accélération de la prise de conscience écologique. Le GIEC a établi la responsabilité des activités humaines sur les dérèglements climatiques. De là, la nécessité de changer notre façon de produire et de consommer est apparue comme une urgence. Pour autant, les mesures prises par les gouvernements s’avèrent insuffisantes… (c’est l’ONU qui le dit !)
La libération de la parole féminine a également joué un rôle primordial dans ce revival de l’écoféminisme. L’affaire Harvey Weinstein et le mouvement #Metoo ont permis aux femmes de dénoncer les situations de harcèlement ou d’agressions subies au quotidien. Et plus généralement de dénoncer les systèmes en place qui donnent toute impunité à ces hommes pour agir.
On en revient aux fameuses similitudes sur les schémas d’oppression à l’œuvre dans ces deux domaines.
Un courant de pensée utopique ?
L’écoféminisme en résumé, ça n’est jamais qu’un courant de pensée qui tend à lutter contre les inégalités et les oppressions, quelles qu’elles soient. Utopie ? Sans doute. Mais pour construire un monde meilleur, rêver ne vaut-il pas mieux que de se résigner ?